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  • Photo du rédacteurPassionBallon

Quand le Téfécé fusionnait avec ... le Red Star !


Club bien installé au sein de l’élite moribonde du football français dans les années 1960, le Toulouse FC première génération a subitement disparu un jour d’avril 1967, à la suite d’une fusion avec le Red Star opérée par son président Jean-Baptiste Doumeng. Entre tracteurs tchécoslovaques, dépôt de bilan et rêves de Yachine, retour sur l’un des épisodes les plus fous de l’histoire du foot français.


Au moins, le Red Star évoluait à Bauer... (L'Équipe)


Dire que le football français traverse une période moribonde dans les années 60 semble être un euphémisme. En championnat, la suprématie est partagée entre l’AS Saint-Étienne, le FC Nantes et l’AS Monaco sans qu’aucun de ces trois clubs ne parvienne à tirer son épingle du jeu et à imposer une domination durable. À l’international, le football français dégage une image bien pâle. Les Bleus traversent leur pire décennie, échouant à se qualifier pour les Mondiaux 1962 et 1970, deux compétitions entrecoupées d’une piteuse élimination au premier tour en 1966. Enfin, les représentants tricolores ne parviennent pas à rééditer les performances du grand Stade de Reims en Coupe d’Europe, éjectés les uns après les autres lors des premiers tours. Au milieu de ce marasme, une histoire délirante apporte un peu de folie au sein d’une Division 1 qui en manquait bien : la fusion entre le Red Star… et le Toulouse FC en 1967.


Deux clubs aux destins croisés

Véritable mythe sportif dans l’entre-deux guerres et idéologique pour une partie de la gauche française, le Red Star semble alors déjà très loin de ses années glorieuses. Les cinq Coupes de France glanées entre 1921 et 1942 ne sont plus que des souvenirs lointains pour le club de Saint-Ouen. La professionnalisation croissante du football français entraîne de plus en plus d’échanges de capitaux, avec des sommes d’argent toujours plus importantes en jeu. Sans doute trop gourmands, les dirigeants du Red Star s’en donnent à coeur joie, et n’hésitent pas à utiliser ce surplus financier pour corrompre leurs adversaires. Des affaires à répétition qui valent au club une véritable traversée du désert dans les années 1950, avec plusieurs sanctions dont une relégation administrative en DH en 1959. La mairie communiste de Saint-Ouen, où est basé le Red Star, décide d’offrir un coup de pouce financier au club. Les montées s’enchaînent plus vite que prévu, tant et si bien que les Audoniens retrouvent l’élite cinq ans plus tard avant d’être relégués au crépuscule de la saison 1966-1967.


De son côté, le Toulouse FC n’a pas grand chose à voir avec la valeur sure de Ligue 1 que l’on connaît actuellement. Parmi les différences notables, le club évolue alors avec une curieuse tenue rouge et blanche, bien loin du violet fièrement arboré aujourd’hui. Côté sportif, les Toulousains oscillent entre l’élite et son antichambre, mais c’est à cette époque que le club soulève son seul trophée majeur, une Coupe de France en 1957. Deux ans plus tard, un homme à la trajectoire assez originale prend la présidence du club : Jean-Baptiste Doumeng. Après avoir fait fortune dans l’agro-alimentaire, il décide d'investir dans le club de la ville, qu’il fait progresser sportivement. Sous sa houlette, Toulouse découvre la Coupe d’Europe et s’impose comme l’une des meilleures équipes de l’Hexagone.



Oui, Toulouse avait eu maillot au scapulaire rouge et blanc (site officiel du TFC)


Rien d’anormal jusqu’ici, car c’est plutôt sur la personnalité de l’homme qu’il faut se concentrer pour comprendre le coeur de l’histoire. En effet, Doumeng présente la particularité d’adhérer au Parti Communiste depuis l’âge de seize ans, jusqu’à être surnommé « le milliardaire rouge ». Si être militant du PCF n’avait rien d’extraordinaire à une époque où il concentrait près d’un cinquième des votes, soutenir le Parti tout en étant l’une des plus grosses fortunes de France semble plus ambigu. Il faut cependant comprendre que le capital financier de Doumeng provient justement de ses liens avec les différents partis communistes. En effet, la clé de son business repose sur l’importation de tracteurs tchécoslovaques en France, en échange de pommes de terre depuis la fin de la Seconde Guerre Mondiale. Également maire du village de Noé, Doumeng s’impose alors comme l’un des principaux garants des relations entre le Parti et le bloc de l’Est, puisqu’il était ainsi l’un des seuls hommes d’affaires occidentaux à disposer d’un bureau à Moscou. Son statut particulier permet au Téfécé d’être un vrai club à part, allant jusqu’à jouer des matchs amicaux en Union Soviétique malgré le Rideau de Fer. Doumeng passe même tout près du coup du siècle à l’été 1966, en tentant de faire venir le gardien de but Lev Yachine, qui ne verra finalement jamais les bords de la Garonne


Un même club, deux perdants

Si tout roule sportivement pour les Toulousains, l’avenir du club se gâte en coulisses. Le coeur du litige se situe dans la couleur politique de la mairie de Toulouse, dirigée par la SFIO - ancêtre du Parti Socialiste. Alors qu’elle semble entreprendre des grands travaux pour moderniser la Ville Rose, la municipalité refuse de mettre la main à la pâte en aidant financièrement un club ambitieux. Épuisé par ses mauvaises relations avec le maire Louis Bazerque, Doumeng menace une première fois de jeter l’éponge. Voyant que le coup de pression ne fait pas vraiment effet, il entreprend une manoeuvre incroyable : le déménagement de la structure du TFC à Saint-Ouen, dans le cadre d’une « fusion » avec le Red Star. Une fusion qui n’en est pas vraiment une, puisque dans les faits, le Toulouse Football Club n’existe plus : les structures sportives et administratives sont déplacées dans la banlieue rouge sans que personne ne puisse s’y opposer. La base de ce rapprochement est bien évidemment politique, d’autant que Jean-Baptiste Doumeng n’a jamais caché son admiration pour le Red Star et sa proximité avec la mairie de Saint-Ouen. Pour les Audoniens, c’est le jackpot : la relégation sportive est annulée, et le club reprend la place de Toulouse en D1.



Jean-Baptiste Doumeng, au centre (L'Équipe)


Forcément, la magouille ne plaît pas à tout le monde. Bien qu’amputés de leur club chéri, les supporters toulousains ne protestent pas vraiment, semblant même résignés face à la nouvelle. L’Équipe rapporte ainsi que la rencontre suivant l’annonce du transfert du club, face à Sedan, n’attire que 1 500 personnes. La contestation vient plutôt des supporters adverses et surtout des joueurs, malgré un véritable pont d’or offert. Alors que des logements et des salaires très avantageux leurs sont offerts, ils sont nombreux à décliner l’offre du Red Star, quitte à évoluer à Bagnères-de-Luchon (D3), club le plus proche. Il faut dire que la perspective d’emménager à 700 kilomètres de Toulouse n’enchante pas vraiment des hommes qui viennent pour la plupart du cru et que l'air pollué de la capitale semble effrayer. Sportivement, l’affaire a toute les raisons du monde de foirer. Malgré de grosses ambitions affichées par Doumeng après la « fusion », le Red Star passe le plus clair de son temps dans les profondeurs du classement. Pire, il est même relégué en 1973, une descente qui conduit au départ précipité du camarade Doumeng, qui se retirera du monde du ballon rond. Le début des galères du Red Star, qui finira par déposer le bilan en 1978 après d’importants soucis financiers.



Au Sud-Ouest, c'était les corons (L'Équipe)


Véritable dindon de la farce, Toulouse n’a désormais plus de structure profes-sionnelle. Ou comment les caprices d’un milliardaire un peu trop pressé privent une aire urbaine de plus de 600 000 habitants d’un club de football. Pour autant, l’abstinence reste de courte durée. En 1970, un nouveau club est créé et invité à jouer en deuxième division : l’US Toulouse et son maillot sang et or (décidément !). Cet épisode ne dura que quelques années, le temps de poser les bases du Téfécé tel qu’il est actuellement connu sous son maillot violet. Aujourd’hui, le Toulouse Football Club est encore vivant, merci pour lui. Tout le contraire de Jean-Baptiste Doumeng, décédé en avril 1987. Un nouvel exemple qui montre bien à quel point le football reste immortel, au contraire de ceux qui décident de le tuer.

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