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  • Photo du rédacteurPassionBallon

L'incroyable histoire du Ciudad de Murcia


À l'été 2007, le football espagnol connaissait l’une des ses histoires les plus folles. Club bien installé en Deuxième Division et en lice pour la montée en Liga, le Ciudad de Murcia allait être racheté par un nouvel actionnaire pas comme les autres : le Granada 74, club évoluant en quatrième division. Retour sur un cas sans précédent dans le monde du football, et sur l’histoire d’un club qui n’aura duré que huit ans mais qui restera célèbre dans tout le Royaume.



Les écussons respectifs du Granada 74 et du Ciudad de Murcia


Lors de sa création en 1999, peu auraient parié sur le destin à la fois unique et tragique qu’à connu le Ciudad de Murcia. Le club aurait en effet pu prétendre à évoluer dans l’ombre des plus gros, comme des centaines d’équipes partout en Europe. Éclipsé par le Real Murcie, club local puissant et rompu aux joutes du football professionnel, le Ciudad de Murcia a pourtant connu une histoire aussi courte que rocambolesque. Il faut dire que le commencement du club, dès ses premières heures, est des plus originaux. L’idée de fonder le Ciudad de Murcia provient d’un homme, Enrique « Quique » Pina. Un créateur pas comme les autres, puisqu’il n’est alors âgé que de trente ans, et est un ancien footballeur ayant évolué dans les divisions inférieures et stoppé sa carrière sur blessure. Il réalise alors son rêve, et créé un club à partir de rien. Le Ciudad de Murcia (« Ville de Murcie » en VF) est né dans la cité natale de Pina, située au Sud-Est de l'Espagne.


L'ascension vertigineuse

L’aventure du Ciudad de Murcia commence au plus bas, en Territorial Preferente, le cinquième échelon national. Dès sa première saison à ce niveau, le club parvient à obtenir sa promotion en quatrième division avant de monter à nouveau l’année suivante. En deux ans d’existence, le Ciudad de Murcia frappe déjà aux portes du professionnalisme, et évolue en Segunda B (troisième division). Deux ans plus tard, rebelote : le club obtient une nouvelle promotion et évolue désormais en deuxième division. On se dit alors que c’est du sérieux, et que le Ciudad de Murcia va continuer sur sa lancée. Les saisons 2003-2004 et 2004-2005 voient pourtant l’équipe lutter pour le maintien, un objectif somme toute logique pour un club promu mais qu’il n’avait jamais véritablement expérimenté durant toute son histoire. L’équipe joue bien, marque beaucoup de buts et est emmenée par un certain David Güiza, qui plante 21 pions et rejoint dans la foulée Getafe. Il ne sera plus là pour assister à la meilleure saison du club, en 2005-2006. Après avoir lutté toute la saison, le Ciudad de Murcia termine à un petit point d’une montée historique en Liga. L’essentiel est cependant ailleurs : le club est en lice pour le podium, quand dans le même temps le Real Murcie joue le maintien. Le symbole est fort, mais il ne dure pas : si la saison suivante reste de bonne facture avec une nouvelle quatrième place, l’autre club de la ville se classe un rang au dessus et atteint l’élite.



L'équipe du Ciudad de Murcia, quatrième de Segunda Division en 2005-2006

Après quatre saisons en deuxième division, le Ciudad de Murcia est en passe de devenir un club respecté pour son succès dans toute l’Espagne. Cependant, le hic concerne les infrastructures dont il bénéficie, indignes d’une équipe qui souhaite rejoindre la Liga. Alors que le Real Murcie s’offre un magnifique écrin de 30 000 places, le projet de nouveau stade présenté par Quique Pina est refusé par la mairie. L’ascension fulgurante du Ciudad de Murcia atteint ses limites, et le club ne peut rivaliser avec des clubs structurés depuis des décennies et bénéficiant de centres d’entraînement et de formation développés. Devant le manque d’efforts de la municipalité, Pina décide de vendre son club avant la fin de la saison 2006-2007, alors que son équipe est toujours en course pour la montée. C’est alors qu’intervient un autre personnage marquant dans l’histoire du club : Carlos Marsa, investisseur madrilène basé à Grenade et propriétaire du Granada 74, club de quatrième division dans la cité andalouse. Marsa décide de racheter le club pour un total de 20 millions d’euros, mais ce rachat semble différent d’un simple changement de propriété. En effet, en rachetant le Ciudad de Murcia, le madrilène souhaite incorporer l’entité murcienne au sein du Granada 74 de manière à ne former qu’un seul club. Conséquence directe de ce rachat fou : le club andalou, parti pour évoluer une saison de plus en quatrième division, se retrouve propulsé en deuxième division, reprenant la place d’un Ciudad de Murcia qui n’existe désormais plus. Le projet de Marsa est de récupérer une dizaine de joueurs du club de Murcie, puis de les intégrer à l’effectif déjà présent du Granada 74. En revanche, les couleurs, l’écusson et le stade du Ciudad de Murcia sont abandonnés.


Tout ça pour ça...

Évidemment, la pilule a du mal à passer du côté des supporters du club, qui assistent impuissants au transfert de leur équipe à 300 kilomètres de Murcie. Les nombreuses mobilisations opérées durant le mois de juin 2007 n’y changeront rien, Marsa acquiert 100% des parts du Ciudad de Murcia. En revanche, l’affaire suscite une longue polémique en Espagne qui créé le trouble tout au long de l’été, déclenchant un chaos similaire à l’affaire Luzenac en 2014. La FIFA, l’UEFA et la Fédération Espagnole sont contre l’opération, alors que la Ligue, la Fédération Andalouse et le Conseil Supérieur des Sports se positionnent en faveur. Le Tribunal Arbitral du Sport doit trancher sur le cas, et autorise le Granada 74 à évoluer en deuxième division évoquant une récente loi espagnole qui autorise les sociétés anonymes à changer leur nom et leur siège à leur guise.



Quique Pina (à gauche) et Carlos Marsa

En rachetant la place du Ciudad de Murcia, Marsa offre la possibilité aux habitants de Grenade de voir du football de haut niveau dans la région, alors que le Grenade CF, club phare local, évolue dans les divisions amateurs depuis plus de deux décennies. Cependant, les fans du Granada 74 ne se réjouissent pas vraiment de cette opportunité et voient leur club totalement dénaturé. Structure formatrice par excellence, le club andalou fondé en 1974 (d’où son nom) dans un quartier populaire était le symbole d’un football authentique sans aucune ambition de professionnalisme et qui gravissait les échelons un à un. Toutes proportions gardées, le Granada 74 renvoie avant le rachat l’image d’un club de quartier semblable à celle du Rayo Vallecano à Madrid. À la suite de ce fameux été 2007, il est élevé au rang de paria, et détesté dans tout le Royaume. Pour ne rien arranger, la mairie de Grenade s’oppose à l’alliance et empêche le club de jouer au stade Los Cármenes, plus grand écrin de la ville. Contraint de s’exiler, le Granada 74 trouve refuge à Motril, commune balnéaire située à plus de 70 kilomètres de Grenade. Aussi fou que cela puisse paraître, le duo Pina-Marsa réalise l’exploit de priver de leurs supporters deux clubs à la fois, créant par la même occasion un club sans âme. Le pire, c’est que les résultats sportifs sont très en-deçà des attentes. En effet, pas besoin d’être un génie pour deviner qu’un effectif rompu aux joutes de la quatrième division allait galérer deux échelons plus haut. Et ce n’était pas l’apport de la petite dizaine de bons joueurs du Ciudad de Murcia, sans doute perturbé par ce joyeux bazar, qui allait changer quoi que ce soit. Ajoutez-y l’absence de domicile fixe, et vous obtenez un Granada 74 relégué en Segunda B à l’issue de la saison 2007-2008. S’en suivit une nouvelle relégation, avant la disparition complète en 2009 d’un club incapable d’essuyer ses nombreuses dettes.



Le Ciudad de Murcia tente de revivre grâce à ses supporters


Tout ça pour ça serait-on tentés de dire. En une même opération, Quique Pina et Carlos Marsa ont réussi l’exploit de tuer deux clubs, mettant fin à l’incroyable ascension du Ciudad de Murcia et à l’identité si particulière du Granada 74. Si le second cité n'existe plus, le premier tente de revivre grâce à une initiative inédite en Espagne, portée par les supporters s'inspirant du modèle du FC United en Angleterre. Le club s'appelle désormais CAP Ciudad de Murcia - ce premier acronyme signifiant "Club d'Action Populaire", et gravit les échelons puisqu'il évolue désormais en Tercera Division, le quatrième niveau national. Cependant, le club ne sait que trop bien qu'il ne doit surtout pas se presser et monter trop rapidement. En effet, c'est sans doute cette croissance trop rapide et non maîtrisée par Quique Pina qui a conduit à sa perte.


Aujourd'hui, l’homme qui a créé, développé puis tué le Ciudad de Murcia assiste de loin à sa renaissance. Suite à sa vente en 2007, il devient président du Grenade CF, alors en Segunda B et qui croise la route du Granada 74 dès la saison 2008-2009. La boucle est bouclée, et Pina peut apprécier de ses propres yeux la ruine qu’est devenu son ancien club. Qu’importe, il permet au Grenade CF de monter en Segunda Division puis en Liga, restant en poste jusqu’en 2016. Il devient ensuite président de Cadiz avant de voir sa brillante carrière stoppée en janvier dernier. Inculpé dans une affaire de blanchiment d’argent, il est également soupçonné d’avoir truqué des matchs. La descente aux enfers de Pina est totale, et après avoir été élevé au rang de président modèle durant ses premières années, il devient comme beaucoup persona non grata dans le monde du football espagnol au point de ne plus exister dans le monde professionnel. Un destin qui rappelle cruellement celui de deux clubs qui avaient pourtant tout pour réussir à s’y implanter durablement : le Ciudad de Murcia et le Granada 74.

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